Comment voyager avec le syndrome du côlon irritable ?

Cet article s’adresse avant tout aux personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable (SII), aussi appelé syndrome du côlon irritable ou colopathie fonctionnelle. Personnellement, j’utilise aussi son sigle anglophone, IBS pour irritable bowel syndrome (IBS-D assez sévère pour moi).
Si vous êtes curieux, vous pouvez consulter Wikipédia ou le Vidal.

Mais en toute franchise, si vous ne connaissez pas ce terme, vous pouvez sauter cet article et vous considérer heureux.

Plusieurs personnes m’ont demandé comment j’arrivais à voyager autant malgré ça.
Je ne vais pas vous mentir, il n’y a pas de solution miracle, ça rend la vie et le voyage compliqués. J’en subis régulièrement les inconforts, d’autant plus que mon IBS est assez violent.

Avec le temps, j’ai développé quelques stratégies pour mes voyages, et c’est ce que je vais partager avec vous.

Budget

Il faut savoir que voyager avec le SII, ça me coûte cher.

Au départ, je voyageais de manière assez économique, avec de longs trajets en bus et des séjours en auberge de jeunesse. Mais avec des crises devenant de plus en plus fortes et fréquentes, j’évite au maximum désormais. Vingt heures de bus sur un siège minuscule et inconfortable, quand on est en crise, c’est le purgatoire. Quant aux auberges de jeunesse, elles n’ont pas toujours un nombre de toilettes suffisantes (en Géorgie, j’en ai même croisé une qui n’avait qu’une seule salle de bain/WC pour 14 lits!), ce qui rend les choses extrêmement inconfortables, comme vous pouvez l’imaginer. Sans compter les allergies, la plupart me provoquant des crises d’asthme (un autre problème qui se renforce avec l’âge…).

Le logement

Comme dit plus haut, j’évite désormais au maximum les auberges de jeunesse, ainsi que les logements où les toilettes sont partagées.

Je privilégie désormais les appartements entiers (studios inclus) et les hôtels (avec SdB privée, cela va de soi).

Si je voyage avec 3 personnes ou plus, ce qui m’arrive rarement, j’essaye dans la mesure du possible de trouver des logements avec deux WC. Même si ce n’est pas forcément indispensable, ça me permet d’avoir l’esprit tranquille, un point essentiel (on y reviendra un peu plus tard).

À noter, le camping et le voyage en van qui marchent bien pour moi.

L’alimentation

Bon, ça c’est le point que l’on maîtrise le plus en général (au niveau des connaissances, pas forcément de la pratique !), je serai donc relativement bref.

Si vous suivez un régime sans FODMAP assez strict (phases 1 et 2, élimination et réintroduction notamment), prévoyez de cuisiner, vous ne trouverez aucun restaurant adapté (donc appartement avec cuisine équipée, ou voyagez avec votre cuiseur à riz ou autre). Personnellement, je n’ai jamais réussi à suivre ce régime en entier, trouver des ingrédients adaptés dans certains pays relevant du défi (ou alors, dites adieu au peu de variété qu’il vous restait). Je pense sincèrement qu’il vaut mieux éviter de voyager pendant ce régime.

Pour les autres, évitez ce que vous savez, et ayez une liste de safe food à portée de main.

Pour ma part, ce qui marche bien, ce sont les viandes grillées et les sushis/sashimis (les vrais, pas les réinterprétations modernes avec plein d’ingrédients bizarres).

Le transport

Je pense que c’est la partie qui intéressera le plus de monde. En tout cas, c’est la partie qui m’a donné le plus de fil à retordre (et qui reste toujours la moins confortable).

La voiture

Quand je voyage en Europe, j’utilise principalement la voiture.

Pour moi, c’est le plus confortable : je peux faire des pauses en fonction des besoins, qu’il s’agisse d’utiliser les toilettes, de me reposer ou de marcher un peu le temps que la douleur se calme. Voire de rester quelques jours sur place en cas de crise prolongée.

Pour les longs trajets comme ceux entre la France et l’Europe de l’Est où j’ai ma base estivale (environ 2400 km), je réserve mes nuits d’hôtel en dernière minute en fonction d’où je me trouve, pour éviter le stress de devoir absolument faire 800 km avant telle heure pour l’enregistrement. Les chaînes d’hôtels internationales sont plutôt pratiques pour ça. Pour ma part, j’aime bien Accor (Ibis, etc.).

Notez que dans certains pays comme la Roumanie, il y a de nombreux hôtels-restaurants au bord des routes qui vous accueilleront sans réservation, à un prix raisonnable.

Un autre avantage que je trouve aux trajets en voiture, c’est qu’en me concentrant sur la conduite, je pense moins à la douleur.

J’utilise également les taxis et voitures avec chauffeur pour les plus courts trajets, afin d’éviter les transports publics. Il m’est arrivé de louer un taxi à la journée pour plus de confort. Bien sûr, cela dépend du prix : ça marche bien dans les pays où le coût de la vie est assez bas, mais beaucoup moins en France, en Suisse ou au Canada !

Le bus

J’évite les longs trajets en bus, en particulier si je suis seul. La peur que le bus reparte sans moi à la pause s’ajoute à l’inconfort. À deux, c’est déjà plus tolérable.

Une exception à ça : les bus en Ukraine. Ils font des pauses plus ou moins régulières, mais il y a toujours quelqu’un pour faire remarquer votre absence au chauffeur. J’en ai pris plusieurs l’an dernier sans souci particulier, si ce n’est l’attente aux frontières due aux contrôles de sécurité renforcés. Cela dit, si jamais le besoin se fait sentir, il y a généralement des toilettes disponibles juste avant la douane.

Le train

À mon sens, plus confortable que le bus. Il y a des toilettes à bord, et l’on peut marcher le long des wagons pour faire passer la douleur si besoin.

L’avion (le boss final)

Prendre l’avion quand on a le syndrome de l’intestin irritable peut être très inconfortable. Je pense que c’est le moyen de transport le plus compliqué pour de nombreuses raisons :

  • les phases d’atterrissage et de décollage (avec parfois beaucoup d’attente), ainsi que les turbulences, ne permettent pas l’accès aux toilettes.
    En cas de crise, essayez d’y aller juste avant, et dès que vous en ressentez le besoin si cela est possible (sinon, vous allez découvrir que c’est toujours quand on se dit « plus que 20 minutes à tenir et je pourrai utiliser celle de l’aéroport » que votre vol sera coincé 40 minutes de plus sur le tarmac).
  • le choix du siège : personnellement, dans la mesure du possible, un siège côté couloir me rassure, ça évite de déranger une voire deux personnes en cas d’urgence.
    Cela dit, sur les vols courts où le choix du siège est généralement payant, je prends ce qui vient et n’ai jamais eu de souci (je crois les doigts).
  • la boisson : pour éviter tout risque, je prends uniquement de l’eau plate. Si vraiment je me sens aventureux ou que le vol est très court, un jus d’orange.
    J’emporte toujours une bouteille d’eau avec moi, mais de manière générale j’essaye de ne pas trop boire à bord (juste de quoi éviter la déshydratation, j’écoute mon corps).
  • les repas : la plupart des compagnies aériennes vous proposent de choisir un menu spécial si vous réservez plus de deux ou trois jours avant le vol. Dans ces cas-là, je demande en général le menu sans gluten ou autre en fonction des options.
    Cela dit, les menus de classe éco sont rarement très élaborés et les portions sont petites. Je n’ai jamais eu de souci avec.
  • la nausée : ce n’est pas réservé à l’avion, mais contrairement au bus ou à la voiture, l’avion ne fera pas de stop avant son atterrissage.
    Vous ne pourrez pas non plus ouvrir la fenêtre pour prendre un bol d’air frais.
    Quand ça m’arrive, je ferme les yeux, j’essaye de dormir, et je serre les dents… un peu comme avec les douleurs aux oreilles dues à la pression (sauf que là, ce n’est pas la faute au SII).

Quelques conseils supplémentaires :

  • je ne l’ai jamais fait, mais je pense que si vous le sentez mal dès le départ, expliquer à l’hôtesse ou au steward que vous souffrez du SII peut-être une bonne idée. Parfois, même si je ne cautionne généralement pas le mensonge, il peut être préférable de mentionner la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, qui sont plus connues ou mieux prises au sérieux avec des symptômes et besoins similaires.
    Ça peut aider pour l’accès (potentiellement prolongé) aux toilettes pendant le vol.
  • voyager en business ou en première rend sans doute l’expérience plus confortable (pour ce qui concerne le SII, le reste étant évident).
  • le projet Hidden Disabilities Sunflower, qui permet de signaler ses besoins spécifiques de manière discrète dans les aéroports (entre autres), peut être intéressant. Je ne l’ai pas testé, et ça reste limité géographiquement pour le moment (certaines compagnies le reconnaissent, d’autres non), mais c’est une initiative à suivre.

À emporter avec soi

  • toujours prévoir des mouchoirs en papier et du gel hydroalcoolique. Si besoin, un rouleau de papier WC pour les pays où ce n’est pas toujours proposé (hello Azerbaijan) et si vous vous éloignez des zones touristiques.
  • un sous-vêtement de rechange si vous risquez d’en avoir besoin (ça peut rassurer)
  • certaines associations proposent des cartes « priorité toilette », souvent en plusieurs langues avec une courte explication. Elles n’ont pas de valeur légale mais peuvent aider en cas d’urgence.
    À défaut, préparez une traduction dans la langue du pays, sur papier ou sur votre téléphone.

Ma nutrition avant et pendant le transport

Quand c’est possible, j’essaye de consommer des ingrédients que je sais bien tolérer un ou deux jours avant le départ. Donc, souvent, du riz blanc et des steaks.

Ce n’est pas très drôle (surtout quand vous voulez profiter d’un plat spécifique avant de partir), mais ça m’aide beaucoup. Plus le trajet est long ou risqué (en termes de SII), plus j’y fais attention.

Souvent, je ne mange pas trop le jour du voyage. Je garde des amandes décortiquées ou autres snacks du genre pour contrer la faim.
Plus je me rapproche de l’arrivée, plus je m’autorise à boire et à manger (dans la limite du raisonnable).

Pour les trajets sur plusieurs jours, je mange davantage au dîner. Pendant la journée, j’essaye de faire des petits repas/en-cas en écoutant mon ventre.

Médication

Souvent, pour me rassurer et à titre préventif en cas de long trajet, je prends un lopéramide un peu avant le départ. Parfois deux, en fonction de mon état. Ça me bloque un peu, mais souvent il me faut plusieurs jours pour m’en remettre.

!!! Ne faites pas ça sans avoir consulté votre médecin auparavant. Chaque cas est différent et il ou elle aura peut-être quelque chose de mieux adapté à votre cas. Je n’ai pas de connaissance médicale en dehors de ma propre expérience en tant que patient, et rien de ce qui est dit ici ne peut être considéré comme un conseil médical.

La gestion du stress

Vous aurez remarqué que nombre de mes conseils sont plus destinés à vous apaiser qu’à lutter contre les crises. C’est parce que gérer le stress et la nervosité reste l’un des points les plus importants, si ce n’est LE plus important, pour qui voudrait voyager avec le syndrome de l’intestin irritable.
Voyager est source de stress (nouvel environnement, langue, coutumes, peur de rater l’avion…), et c’est d’autant plus vrai quand on doit gérer un problème supplémentaire tel que le SII. Or, le stress reste notre grand ennemi vu qu’il peut aggraver les symptômes.

Il est donc important de le réduire au maximum en amont, en vous inspirant des conseils déjà donnés.

Quelques autres trucs que j’applique :

  • rythme de voyage assez lent, avec des jours de repos.
  • pas trop planifier en avance. Rester flexible permet de moduler son temps en fonction des symptômes du moment. Écoutez votre corps, s’il faut faire une pause, faites-la. Ne vous forcez pas.
  • toujours avoir une application de taxi à disposition, pour pouvoir rentrer à l’hôtel plus tôt si le besoin s’en fait sentir (notamment en cas de douleur insoutenable).
  • toujours avoir du lopéramide sur soi (ou autre, en fonction des recommandations de votre médecin, ceci n’est pas un conseil médical).
  • ne pas se prendre la tête. Même si je ne visite pas la Statue de la Liberté à New York ou le Colisée à Rome, j’aurai quand même fait un beau voyage. Ne vous mettez pas la pression avec les « must-see ».
  • parfois, il vaut mieux voyager seul que mal accompagné. Vous serez stressé et pressé par vos compagnons de voyage, et eux seront frustrés par la gêne involontaire que vous leur occasionnerez. C’est moche à dire, mais c’est comme ça.
  • si vous pouvez vous le permettre, montez en gamme. Mieux vaut voyager un peu moins mais dans de meilleures conditions.

Voilà, je pense avoir fait le tour. Je ne vous promets pas qu’en suivant tous mes conseils votre intestin vous laissera en paix pendant les vacances, mais ça devrait aider.

Ceux d’entre nous qui ont des variantes fortes du syndrome savent à quel point c’est difficile à maîtriser.

Pour ma part, cette stratégie me permet de voyager dans des conditions acceptables. Parfois même meilleures que quand je reste à la maison (l’adrénaline du voyage, peut-être ?).

À vous de trouver ce qui fonctionne le mieux pour vous, chaque cas étant unique (c’est un syndrome après tout !). Ceux qui souffrent de constipation auront sans doute une approche différente pour certaines choses, je n’ai pas assez d’expérience pour les aider davantage.

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